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Chapitres 8 et 9

Publication : par M. Lauga

VIII Récit de Agathe Merle, soixante-quatorze ans

Des écureuils, d’après Maurice ! Des écureuils ! Le pauvre, il s’arrange pas avec l’âge. Est-ce qu’on a déjà vu des écureuils ouvrir un pot de confiture ? Les boîtes de gâteaux secs je veux bien, ils auraient grignoté l’emballage, mais mon pot de rhubarbe, franchement ?
J’irais bien demander au voisin s’il y a rien eu chez lui mais j’ose pas déranger. C’est un écrivain. Je le sais par François, l’arrière-petit-neveu de la pauvre Germaine. Il est là pour deux ou trois semaines, cet homme. Il a besoin de calme pour travailler, il faut pas le déranger. Alors je dérange pas. Et pourtant j’en aurais à lui raconter. C’est pas les histoires qui manquent, ici.
Mon idée à moi pour la confiture, je la dis à personne parce qu’on me rirait au nez, mais n’empêche que je la soutiens mordicus : qu’est-ce qui est assez petit pour passer par la chatière, et qui a des doigts pour dévisser le pot de rhubarbe ? Tournez et retournez la question comme vous voulez, mais si vous avez pour deux sous de jugeote, vous arriverez à la même réponse que moi : c’est un singe. Un singe, je vous dis. Qui se sera échappé d’un cirque. Et voilà .
En attendant, je vais dire à Maurice de clouer la chatière. La Minette fera ses besoins dans sa litière et puis c’est tout.

IX Récit de Victor Doutreleau, onze ans, frère de Yann

Je m’en ficherais bien de marcher si j’avais mes chaussures à moi. Mais j’en ai perdu une dans le fossé quand on est descendus du camion, et les grands ont jamais voulu que j’aille la récupérer. Alors j’ai trouvé une paire de souliers de dame dans le garage où on a dormi et maintenant je marche avec. Max arrête pas de rigoler à cause des talons. Très drôle.
C’était bien dans le garage. On a fait sécher nos affaires sur la chaudière et on a dormi dans des bleus de travail qui étaient là . Comme il en manquait, les grands se sont relayés pour les porter. Max et moi on a eu le droit de garder les nôtres toute la nuit. Avant de partir on a mangé trois paquets de gâteaux secs et une sorte de confiture que je connaissais pas. On a tout bien remis en place, les vestes et tout.
Et puis on a piqué un sac de toile, genre cabas pour les courses. Fabien et Rémy le portent à tour de rôle à cause du poids.
Parce qu’il fait bien ses douze kilos, Yann. Ils ont dit qu’on se ferait vite repérer avec lui, que six enfants et un petit bonhomme genre Yann, ça tirait l’oeil. Alors ils l’ont mis dans le sac. Seulement maintenant, ben il faut le porter.
On s’est répartis en trois groupes pour passer inaperçus. Fabien et Rémy vont devant. Ils marchent d’un bon pas et c’est pas facile de les suivre. On les voit qui s’arrêtent, parfois. C’est quand ils savent plus où aller. Alors ils posent le cabas et Yann sort sa petite tête. Il la fait pivoter dans tous les sens, on dirait un périscope, il regarde en l’air aussi, on a l’impression qu’il renifle, et puis il tend son doigt dans une direction et c’est reparti.
Pierre et Paul, les moyens, suivent cent mètres derrière avec leurs casquettes à oreilles qui flottent sur les côtés. De temps en temps, ils se retournent pour voir si on arrive. Bien sûr qu’on arrive. On a pas le choix de toute façon. Nous les petits, on doit suivre et c’est tout. Mais on est drôlement courageux, c’est Rémy qui l’a dit. On ajuste pleurniché un peu quand on a quitté la maison en pleine nuit. Enfin, la pluie s’est arrêtée aujourd’hui, c’est déjà ça.
Au milieu de la matinée, les grands nous ont attendus et on s’est retrouvés tous ensemble dans une cabane au bord de la route. C’était un arrêt de car, je crois. J’ai demandé à Rémy :
— Où c’est qu’on va, Rémy ?
Ça me travaillait depuis un moment, cette question. Il a dit :
— On va vers l’ouest. Vers l’Océan.
Fabien a ajouté :
— L’océan Atlantique.
Et il a sorti de sa poche un paquet de gâteaux secs. C’était une bonne surprise parce que je pensais qu’on les avait tous finis. On a grignoté en silence et pendant tout ce temps les mots de Fabien dansaient dans la cabane :
— Océan Atlantique... océan Atlantique...
Les gens dans les voitures pouvaient bien nous jeter des coups d’oeil de travers, ils allaient certainement pas aussi loin que nous. Yann est resté caché, il a mangé dans son sac. Il a juste secoué les miettes avant de repartir pour pas que ça le gratte.
Océan Atlantique... Je sais pas combien de temps il faut pour y aller, à l’Atlantique, ni ce qu’on fera une fois qu’on sera arrivés là -bas... N’empêche que pendant une bonne heure on a moins senti la fatigue, Max et moi. On marchait de bon coeur. Il a même chaussé mes souliers de dame pendant un kilomètre ou deux.
Mais j’ai bien vu qu’il avait du mal avec. Alors je les ai repris.

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