Accueil > Archives > Année scolaire 2019 2020 > CM2 Mme Carrère > CM2 C Un tueur à ma porte > CM2 C Chapitre 3

CM2 C Chapitre 3

Publication : par Le directeur

Chapitre 3 : Dans les ténèbres

Il y eut d’abord la lumière. Puis la douleur. Comme si on lui avait jeté des brandons (torche de paille enflammée servant à éclairer) enflammés dans les yeux. Instinctivement, Daniel ferma les paupières, se protégea avec ses mains, redoutant un deuxième flash.
 Arrête, gémit-il.
 Espèce de crétin ! cria Aurélia, furieuse.
 Mais qu’est-ce que c’est cette plaisanterie idiote ? Allume, Michel ! gronda la voix de
Larcher.
Julien, boudeur, remballa son appareil photo.
 Bon, ça va, je voulais juste montrer qu’il fait du cinéma, le chouchou d’Aurélia !
 T’es vraiment nul, mon vieux, murmura Daniel.
Il avait retiré les mains de son visage, mais n’osait pas encore rouvrir les yeux. Il chercha ses lunettes à tâtons. Aurélia les lui glissa entre les doigts. Daniel les remit et desserra les paupières.
 Je crois que ça ira, vous pouvez rallumer.
Il y avait eu des murmures indignés ou amusés après l’explication de Julien. Et ce fut brusquement le silence.
 Qu’est-ce qu’il y a ? s’étonna Daniel, vaguement inquiet.
Il sentait une petite main serrer la sienne. Il devina que c’était celle d’Aurélia.
 C’est allumé, Daniel, fit la voix de Larcher.
 C’est pas vrai ! cria Daniel d’un ton lamentable.
Il ôta ses lunettes. Aussitôt les braises se rallumèrent dans ses yeux et il baissa les paupières, pressa ses mains dessus. Julien blêmit.
 C’est une blague, dit ? Daniel … Tu veux me flanquer la trouille ? Tu as réussi !
Arrête ! bredouilla-t-il, paniqué.
Daniel renifla. Il avait commencé à pleurer de douleur et de désespoir, et même ses larmes lui faisaient mal.
 Je ne vois rien, c’est tout ! Je m’en fiche de toi ! Je ne vois rien ! Rien ! Il n’avait
pas pu s’empêcher de hurler ?
 Allez chercher Karine, vite ! ordonna Larcher.
 J’y vais ! proposa Julien, se levant prestement, incapable de soutenir le regard
accusateur des autres.
Et il galopa vers l’infirmerie.
Marielle regarda avec inquiétude son fils qui tâtonnait à travers le salon, les mains tendues pour ne pas buter contre les meubles ou les murs.
Les yeux de Daniel étaient recouverts d’une bande de gaze. Karine, l’infirmière du collège,
l’avait accompagné aux urgences puis avait appelé sa mère pour qu’elle les rejoigne. Un interne s’était occupé de Daniel, expliquant que ce n’était pas trop grave, qu’il verrait à nouveau. Mais à condition de rester dans l’obscurité totale pendant quelques jours.
 Et zut ! fit Daniel en se cognant contre un fauteuil.
 Tu devrais te reposer, conseilla Marielle.
 Non ! Je veux d’abord me repérer un peu... que je puisse au moins aller aux toilettes tout seul quand tu ne seras pas là ce soir.
 Mais tu plaisantes ! Je reste avec toi ce soir ! se récria Marielle. Comment pourrais-je …
 Pas question ! interrompit Daniel. Tu ne peux pas rater ta pièce !
 Oh, ne t’inquiète pas pour ça ! Jacques prévoit toujours une doublure pour les rôles principaux.
Daniel était catastrophé. Il pensait avoir agi intelligemment en refusant de rester à l’hôpital malgré l’insistance de l’interne et de sa mère. Il s’imaginait qu’elle préfèrerait le savoir douillettement installé dans leur appartement.
 Mais, de toute façon, les soirs où tu aurais joué, je serais resté seul !
 Je sais, fit doucement Marielle.
Et Daniel sentit à sa voix qu’elle était très émue.
 Je me dis que je n’aurais peut-être pas dû accepter ce rôle, je ne m’étais pas rendu compte...
Daniel ouvrit les bras. Sa mère le serra contre elle, très fort et très tendrement.
 Maman, je n’aurai pas peur, je te jure. J’avais tout prévu, tu sais, ma musique, mes bouquins et … Et puis j’ai onze ans !
 Mais Daniel, ce soir, tu ne peux pas lire ni …
 Je sais ! Je sais mieux que toi ! Mais je sais aussi que tu ne peux pas rater cette première. Tu as beaucoup trop travaillé pour laisser tomber maintenant. Je me débrouillerai, ne t’inquiète pas. Je me coucherai tôt, et demain tu me raconteras tout, les applaudissements, les bouquets de fleurs qu’on t’aura offerts ….
 Et si je demandais à quelqu’un de venir ? Aline ou la mère de Franck ? Oh, si on connaissait mieux les voisins !
 Pas question ! Je préfère être tout seul ! D’abord, Aline sera au théâtre comme tous tes amis, et la mère de Franck est trop crampon. Elle me raconterait sa vie toute la soirée, et je ne pourrais même pas aller me coucher ! Daniel devina le sourire de sa mère. Elle connaissait pertinemment la mère de Franck, l’un des meilleurs copains de Daniel.
 Ecoute, maman, reprit Daniel. Ne me fais pas le plan mère poule. Je vais me débrouiller. Je te jure. Zut ! J’aurais dû rester à l’hosto. Tu n’aurais pas ces scrupules idiots.
 Non. Je crois que j’aurais eu encore plus peur. Excuse-moi. Je ne suis pas à la hauteur, ce soir. Et si j’appelais ta grand-mère ?
Cette fois Daniel éclata de rire :
 D’abord, elle ne ferait pas cent kilomètres le soir pour t’aider ! Et si elle le faisait,
elle passerait la soirée à me dire que tu aurais dû épouser Georges ou Tartempion qui est banquier, ça, au moins, c’est un métier sûr. Et pas un saltimbanque qui …
Marielle embrassa vivement Daniel :
 Et pas un saltimbanque qui m’a plaquée en me laissant un merveilleux gosse comme
toi. Tu veux manger ? On se fait une pizza ? Je te laisserai des fruits et du chocolat à côté de toi... Ca ira ? Vrai ?
 Vrai.
Il avait tenu à accompagner sa mère jusqu’à la porte. Il voulait lui redire de ne pas s’inquiéter, lui souhaiter bonne chance. Puis il avait parcouru lentement l’appartement. Il l’avait déjà fait plusieurs fois avec sa mère, mais il voulait s’habituer seul. De nouveau, il se dit qu’il allait rester aveugle. Mais non. L’interne lui avait affirmé que tout
s’arrangerait en quelques jours. Il se traita de lâche, pleura en butant contre un meuble. Depuis qu’il ne voyait plus rien, tous les sons résonnaient étrangement fort. Les voitures sur le boulevard Blanqui. Les tuyauteries de l’immeuble. Et même le bruit de ses pas. Le téléphone sonna à deux reprises... Il lui fallut un temps infini pour atteindre l’appareil. La première fois, c’était Aurélia, et il fut heureux d’entendre sa voix. La deuxième fois, c’était Julien. Il semblait mort d’inquiétude et rongé par les remords. Daniel le rassura. Ils parlèrent comme deux amis, et Daniel était presque heureux du résultat de la plaisanterie stupide et méchante de Julien. Ils se jurèrent une amitié éternelle. Daniel proposa même à son ami d’aller voir Last Action Hero avec Aurélia.
Enfin, il se sentit terriblement fatigué. A grand-peine, il parvint à la salle de bains où il s’autorisa une toilette sommaire. Il prendrait une douche demain quand sa mère pourrait l’aider. Il se coucha. Quelle heure pouvait-il être ? Il pensa à sa mère qui devait être en plein triomphe, applaudie par des centaines d’admirateurs. Il eut envie d’être au matin pour l’entendre raconter cette fameuse première.

Ajouter un commentaire

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions’inscriremot de passe oublié ?

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom

Menu